Invité du ‘’Grand oral’’ sur Rewmi Tv, le président des « forces paysannes », Aliou Dia, a passé en revue la politique agricole du pays, les facteurs bloquants pour une souveraineté alimentaire et les litiges fonciers qui hantent bien le sommeil des paysans.
Les questions liées au foncier sont sources de commentaires. Une véritable bombe foncière. Aliou Dia Président de Forces paysannes n’a pas mis de gants pour asséner ses vérités face à cette question. Il se dit « surpris » avec ce qui se passe dans ce pays. « Quand vous passez à Kaolack vous verrez des piquets. De gros bonnets qui ont tout acheté et feront bientôt déguerpir les paysans qui ne comptent que sur ces terres pour vivre. Il s’agit selon lui, de « mauvaises pratiques qu’il faut bannir ». « Il faut tout régler en appliquant la loi », suggère l’ancien parlementaire.
La gestion des semences
En ce qui concerne la mise à disposition des semences à quelques encablures de l’hivernage, le Premier ministre, Ousmane Sonko, a avait déjà décidé, lors d’un conseil interministériel, de faire jouer à l’armée son rôle de toujours dans la distribution. Sur cette question, Aliou Dia estime que l’heure est à la mise a dispos des intrants et du matériel agricole. Il s’agira d’aller travailler pour une agriculture qui nourrit son homme. En effet une batterie de mesures avait été annoncée par Ousmane Sonko, notamment une dotation de 120 milliards de Fcfa pour une bonne campagne agricole.
A la question de savoir si les paysans étaient satisfaits de ces décisions, l’invité du ‘’Grand Oral’’ répond par l’affirmative : « Par rapport aux enveloppes précédentes, oui ! L’année dernière, le régime sortant avait mis 100 milliards. Cette année il y a une augmentation. Mais on insiste sur la recommandation de Maputo qui stipule que ‘’tout pays qui tend vers le développement doit mettre 10% de son budget national dans l’agriculture’’. » « Ainsi, avec un budget de 7000 milliards FCFA, le Sénégal devrait allouer près de 700 milliards au secteur », a-t-il dit.
Les facteurs bloquants pour la réalisation de la souveraineté alimentaire
A la question de savoir quelles sont les facteurs de blocage pour la réalisation de la souveraineté alimentaire, Aliou Dia indexe le problème du financement et de l’organisation. «Vers les années 60, le pays était en avance par rapport aux autres avec les réformes agraires. Les paysans étaient autonomes avec des objectifs définis et un accompagnement de l’état. Le monde rural est exploité avec un état désengagé face à la pression du Fmi. La collecte est perdue avec un problème de semence non maîtrisé », regrette Aliou Dia. Alors, comment recréer les conditions d’une bonne paysannerie pour un développement agricole ?
Le président des « Forces paysannes » est d’avis qu’il faut associer tout le monde pour une transparence pour les ayant- droits. D’où l’implication de l’armée qui, rappelle-t-il « n’est pas une nouvelle approche ». « Au ministère de l’Agriculture il y a une cellule logistique dirigée par un Colonel de l’armée. Dans les commissions, il y a la gendarmerie. Mais le problème c’est que les présidents de commission étaient assurés par les paysans », a rappelé l’invité du ‘’Grand Oral’’. Selon lui la transparence est de mise mais, il plaide pour une meilleure responsabilisation des paysans. S’agissant de l’épongement du passif, il souligne que les opérateurs ont fait beaucoup d’efforts. Car dit-il, « (ils) ont contracté des dettes auprès des banques. Nous avons tous couru derrière et si le nouveau régime entend régler cette dette, c’est bien. La somme dépasse les 44 milliards. Il s’agit de celles de 2021 et 2022 ; ces dettes seront épongées mais avec l’audit annoncé cela peut dépasser cette somme. » Sur le processus de paiement, dit ne pas avoir d’information mais, dit faire confiance à l’état.
Regrouper les mouvements de paysans
Dans le monde paysan il existe trop de mouvements. Pour plus de rentabilité dans l’effort de la lutte, Aliou Dia suggère le regroupement des associations qui défendent la cause paysanne. Cependant, tempère-t-il, « il y a des entités qui ne peuvent qu’être qu’autonomes. Dans le domaine de la recherche il était question de reprendre l’ISRA de l’agriculture pour l’amener dans le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. C’est impossible. C’est aussi le cas pour la protection des végétaux. De même que l’institut de pédologie avec les sols. Malgré la campagne de régénération des sols avec leur pauvreté, des campagnes ont été lancée. Nos sols sont infectés et pauvre et donc il faut changer de méthodes ».
Sur un tout autre chapitre, l’ancien député milite pour que le pays soit doté de structure capable de répondre à la demande des paysans et régler leur problème. Le cas de la Sonacos a ainsi été posé sur la table, avec sa privatisation puis sa reprise par l’état. Il a invité les autorités à revoir l’état des machines, du personnel et pour revigorer la filière. C’est le cas aussi avec les Industries chimiques du Sénégal (Ics) qui peinent à satisfaire la demande nationale. Il juge « normal » que le Sénégal récupère à 100% les Ics étant donné qu’il existe des cadres pour être autonome en termes d’engrais pour éviter la perte de milliards.
Pour la stratégie pour une souveraineté alimentaire il pense qu’il faut « organiser les producteurs ». « (Il faut) un bon financement des banques et des garanties pour les paysans qui doivent avoir des documents relatifs au foncier et penser à l’agro business », prône-t-il.
La Goana et le plan Reva
Lors de l’émission le président de Forces paysannes s’est penché sur la Goana lancée par Me Wade. Une belle initiative dit-il, « mais l’objectif était déjoué ». « Wade avait demandé un encadrement des paysans pour une disposition des terres, hélas ! C’est le cas avec le plan Reva où des communes étaient identifiées pour l’agriculture pluviale et en saison sèche. Des femmes et des jeunes recevaient les moyens pour une bonne agriculture avec un forage et un périmètre maraîcher. Il faut des reformes agraires et que les paysans soient plus autonomes et ne pas passer dans un circuit bancaire. La loi sylvo- pastorale avait été votée en juin 2004, et pour 20 ans. Mais dans un mois, elle sera caduque car aucun décret n’a été pris en ce sens. Le conseil supérieur de l’agriculture n’a jamais été tenu.
Donc il faut une autre réflexion et (éviter) de servir du réchauffé comme il y a 20 ans », suggère encore Aliou Dia. Interrogé sur un éventuel partenariat avec des investisseurs étrangers pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, il dit « oui » à l’expertise étrangère. « Quand on parle d’experts, ce sont nos universitaires et d’autres qui viennent avec des rapports. Mais si amenions ceux qui sont à la base à l’étranger pour leur faire découvrir d’autres réussites, dans deux ans nous allons décoller. Wade avait crée le mouvement Diapando avec des visites à l’extérieur et des producteurs qui étaient en formation avec des effets positifs », rappelle-t-il. Mais tout cela doit se baser sur la maitrise de l’eau de surface du pays et de ne pas être dépendants. « Diomaye doit faire des forages car nous avons de l’eau souterraine en qualité. Chaque année, on perd plus de 10 mille milliards de m3 d’eau. Il faut un courage politique car sous Diouf c’était ça le problème entre le Sénégal et la Mauritanie quand on parlait de la revitalisation. Les Mauritaniens ont récupéré toutes les terres de l’autre côté du fleuve que les sénégalais exploitaient. C’est ce qu’exploitent les mauritaniens pour faire du riz», a-t-il révélé.
MOMAR CISSE
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