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Me Bamba Cissé : « Pourquoi je ne suis pas pour des retrouvailles Wade/ Macky (…) Je ne vais jamais parler de l’affaire Karim (…) »

Jeune par l’âge, mais grand par la pertinence, Me Bamba Cissé est au nombre des rares avocats Sénégalais qui ont bonne presse auprès de l’opinion. Dans cet entretien, il évoque des sujets d’actualité, entre autres questions concernant le barreau. Interview!

Dakaractu : Maître, le pays bruit encore de ces propos de l’ancien Président de la République que d’aucuns qualifient de « blessants », « acerbes »… Quel est votre commentaire sur cette affaire?

Me Bamba Cissé : Tempérons un peu. Sous d’autres cieux on pourrait considérer cela comme un non événement. Sarkozy avait traité des jeunes de la banlieue parisienne de « racaille ». Lui aussi en a vu et entendu. Diouf a traité la jeunesse Thiessoise de « jeunesse malsaine ».Ne pensez pas aussi que Me Wade fait exception et qu’il serait le surhomme dont parlait Nietzsche. Il est humain et soumis à l’épreuve de l’âge et à la souffrance que lui procure l’arrestation de son fils. Il peut être sujet à quelques dérapages. N’en faisons pas trop cas. C’est juste une sortie de trop, qu’on peut comprendre et pardonner. Pas plus!

Dakaractu : Partagez-vous l’avis de ceux qui soutiennent que c’est le cœur d’un papa meurtri qui a parlé?

Me Bamba Cissé : C’est le père qui a parlé, pas l’ex président. Il ne devait pas faire cette sortie. Le coup parti, nous devons pardonner, oublier et passer à autre chose puisqu’au final, cela ne sert à rien de poser et reposer un débat de borne fontaine qui n’apporte pas grand chose au pays.

Dakaractu : Maître, si vous étiez à la place du Président Macky Sall que feriez-vous par rapport à ce qu’il est convenu d’appeler « le cas Wade »?

Me Bamba Cissé : Me Wade est un opposant qui est dans son rôle. Il mérite respect quelle que puisse être l’étendue de sa faute. Il a beaucoup apporté au Sénégal.
Pour sa part, le Président Macky a fait preuve de grande intelligence et de finesse. Il a adopté la stratégie de l’esquive. L’humilité et le pardon dont il a fait montre prouvent qu’il est grand et « l’homme n’est aussi grand, qu’à genoux », pour reprendre Napoléon Bonaparte.

Dakaractu : Vous conviendrez avec moi que le Président Macky Sall doit fière chandelle à Me Wade pour avoir fait de lui un ministre de l’Energie avant qu’il ne gravisse bien des échelons pour devenir chef de l’Etat…

Me Bamba Cissé : La bénédiction de Me Wade oui, mais aussi le grand mérite de Monsieur Macky Sall. Me Wade l’a propulsé certes, l’a aidé, c’est vrai, mais le Président Macky a aussi travaillé dur pour arriver à la station présidentielle. Il n’aurait jamais réussi, s’il n’avait pas mené une lutte farouche après avoir été démis de ses fonctions. C’est grâce à Wade qu’il a été ministre, mais c’est grâce à son combat qu’il a été élu Président, pas Wade.

Dakaractu : Partagez vous l’avis de ceux qui pensent que Wade veut se suicider après sa fameuse bravade devant les forces de l’ordre (le fait qu’il ait récemment foncé sur un barrage de la police)?

Me Bamba Cissé : Je ne le pense pas. Me Wade a souffert par le passé et a vécu de rudes épreuves sans perdre la foi, jusqu’à conquérir pouvoir.

Dakaractu : Maître, ne trouvez-vous pas bizarre qu’après 12 ans de règne de Wade, lequel a « englouti » un nombre record de ministres, seul son fils est en prison depuis deux ans?

Me Bamba Cissé : Je n’ai jamais accepté de parler du fond de cette affaire, pour des raisons de pure déontologie et par respect pour mes excellents confrères constitués pour La Défense de l’Etat et de Monsieur Karim Wade.
Je puis simplement affirmer que la réédition des comptes est une nécessité absolue dans toutes les grandes démocraties. Pour des raisons d’éthique et de transparence, tous ceux qui ont eu à gérer doivent répondre de leur gestion de quelque obédience qu’ils soient. C’est à la limite une règle de civisme. Le reste tient au fond de l’affaire et je ne peux pas m’exprimer là dessus.

Dakaractu : Ne pensez-vous pas qu’il est temps que Macky et Wade se retrouvent?

Me Bamba Cissé : Non le jeu politique doit rester transparent. L’électeur ne sera jamais enclin à vouloir sortir voter, s’il y a consensus sur toutes les questions qui se posent. Je suis contre des concertations qui peuvent ressembler à des combines ou complots instruits sur le dos du peuple, sauf s’il y a des questions d’intérêt national qui appellent à l’unité, comme ce fut le cas en France pour les attentats récents de Charlie Hebdo.

Dakaractu : Que vous inspire le jeu politique en général au Sénégal?

Me Bamba Cissé : Ce qui frappe au Sénégal, c’est l’ambiance de campagne électorale permanente dans laquelle nous sommes plongés. C’est inédit de voir à près de 3 ans des échéances électorales, qu’on puisse débattre de réélection ou de désignation de candidats, au lieu de penser aux problèmes de l’heure. Les vrais leaders qui ont changé le cours de l’histoire ont, pour la plupart, gouverné sans penser aux prochaines élections.
L’ atmosphère est assez tendue. Mais les règles du jeu politique sont ainsi conçues. Un parti qui gouverne et un autre qui s’oppose, quoi de plus normal dans une république ? Les acteurs en cause doivent cependant faire preuve de respect mutuel, de dépassement et d’humilité. Les invectives ne sont pas d’une grande utilité dans un débat d’idées. La politique est une affaire de seigneurs.

Dakaractu : Maître, quel est selon vous, le mal le plus profond de l’heure au Sénégal ?

Me Bamba Cissé : Le déficit de civisme, sans aucun doute…

Dakaractu : En toute objectivité, que pensez-vous de la justice Sénégalaise?

Me Bamba Cissé : Je pense très honnêtement que le Sénégal a une justice de qualité avec des magistrats bien formés et de bons avocats. Le reste se rapporte à une affaire personnelle, une affaire d’état d’esprit, notamment lorsqu’il est question de l’indépendance du magistrat.

Dakarctu.com

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